mardi 22 décembre 2020

D'un monde...

...à l'autre.

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   Cela fait maintenant un peu plus de quarante années que je pratique le Jeu de Rôle et, hormis peut-être les deux premières, j'ai toujours maîtrisé. Durant certaines périodes, j'ai été joueur et D.M. ; mais j'ai bien plus souvent endossé le deuxième rôle.
   Je pense que vous le savez tous, maîtriser est un art et lorsque l'on se trouve de ce côté de l'écran (D.M. donc), nous jouons à un tout autre jeu... J'ai toujours considéré que le rôle du meneur de jeu était d'écrire conjointement avec les joueurs, à plusieurs mains, une histoire dont tous se remémoreraient les faits bien des années plus tard.
   Bien qu'ayant, pour la plus grosse partie de ma vie de rôliste, maîtrisé dans le monde de Greyhawk, c'est vers un autre univers que j'ai décidé de me tourner. En effet, j'ai finalement franchi le pas en décidant de me jeter dans les Wilderlands de JUDGES GUILD. Depuis que j'ai découvert ce hobby, ce monde m'a toujours attiré ; mais c'est un peu par facilité que je me suis d'abord attaqué à Greyhawk.

   Les raisons qui m'ont d'abord poussé à aller vers Greyhawk, puis celles qui m'ont inciter à changer pour les Wilderlands sont diverses.

Entre cadrage et facilité


   Lorsque j'ai découvert le Jeu de Rôle (Dungeons & Dragons), j'étais adolescent et vivais dans une petite ville perdue. Trouver du matériel de J.d.R. (dés, modules, livres etc.) nécessitait de faire beaucoup de kilomètres (en tout cas, pour un adolescent sans moyen de locomotion et donc dépendant) et il était alors impératif de revenir avec du butin lorsqu'on montait une « expédition ». Par le fait, nous nous tournions vers la « grande » marque de l'époque, T.S.R., et achetions ses produits. C'est donc pour cette principale raison que je me suis d'abord lancé sur les terres de Greyhawk.

Le monde fabuleux de Greyhawk !

   Ensuite, débutant à la fois dans le J.d.R. et dans la maîtrise, j'avais besoin de cadre pour être guidé et rassuré. Il faut bien reconnaître - bien que le livret de nomenclature de ce monde soit relativement succinct - que l'entreprise avait vu juste en proposant des modules intégrés directement dans son monde... L'histoire de T.S.R. nous montre aussi que le développement va suivre avec des livres et autres accessoires qui viendront étoffer l'ensemble, offrant toujours plus de cadre et de rigidité aux D.M.
   Je me sentais donc accompagné pour mes premiers pas dans cet univers rôlistique. Je dois aussi avouer que - en tant que wargamer - j'étais attiré par les hexagones, que cette carte gigantesque était magnifiquement belle (et elle l'est toujours) et qu'il y avait de quoi explorer pour les aventuriers qui se retrouvaient face à moi...

Les limites...


   Toutefois, le temps passant - et cela va très très vite lorsque l'on est adolescent ! - et mon caractère s'affirmant, j'avais besoin de plus de liberté. En effet, le fait de me retrouver confronté à des canons (politiques, religieux, économiques) ludiques, qui paraissaient immuables, me gênait considérablement. Si l'on racontait, à d'autres joueurs, que nos aventuriers avaient réalisé tel ou tel exploit, nous nous trouvions face à un mur de contestations. Les choses ne pouvaient s'être passées de la sorte puisque tel monarque, telle tribu, tel monstre légendaire avait dit/fait ou était là... [Aujourd'hui, il y a d'excellents blogs qui sont très agréables à lire, mais qui me dérangent sur l'aspect ludique.] Assez vite, j'ai éprouvé l'envie de faire ce que je voulais et, surtout, de pouvoir proposer à mes joueurs ce dont ils rêvaient. Cherchant toujours à assouvir ma soif de découverte et ma curiosité par le biais de mes lectures liées au J.d.R. (magazines et autres fanzines), j'ai vite découvert l'existence d'un autre monde que celui proposé par T.S.R., je veux parler des Wilderlands. Cet univers était publié par une firme nommée JUDGES GUILD (et il l'est toujours, d'ailleurs !).


   Je ne vais pas - ni ne veux - entrer dans les polémiques qui encombrent l'aura ludique de cet éditeur et me contenterai donc de discuter de jeu et uniquement de cela... Je laisse à chacun le soin de se faire sa propre opinion et ses choix individuels.

   Toutefois, l'ampleur du phénomène Dungeons & Dragons produit par T.S.R. faisait beaucoup d'ombre aux autres éditeurs et JUDGES GUILD passait donc (enfin, ici en France pour le moins) pour une firme obscure dont les productions étaient rares et réservées à une « élite ». [D'ailleurs, pour ma part, il fallait que je me rende jusqu'à Lyon pour trouver des produits des gammes de JUDGES GUILD.] Néanmoins, les quelques éléments que j'avais réussi à glaner ici et là m'avaient mis l'eau à la bouche.

La découverte


   Le monde des Wilderlands semble beaucoup plus sauvage et dangereux que celui de Greyhawk...

Les dangers des Wilderlands...

   Qu'on ne s'y méprenne pas, l'environnement offert par T.S.R. est tout aussi dangereux car c'est avant tout le D.M. qui peuple et fait vivre le monde dans lequel évoluent les personnages. Mais les Wilderlands ont un côté plus Pulp que l'on ne retrouve pas nécessairement dans Greyhawk. En tout cas, j'ai toujours eu plus de facilité à m'imaginer les aventures d'un Conan dans le monde de JUDGES GUILD...

   L'espace de jeu est, lui aussi, gigantesque. Nous avons là un territoire aussi grand que le pourtour méditerranéen que nous connaissons. D'ailleurs, l'étendue aqueuse principale se situe aussi au centre du monde décrit, ce qui pousse assez vite les joueurs à découvrir les aventures maritimes.

Les Wilderlands et leurs dix-huit cartes !

   Ce « bac à sable » est infini... Les esprits, les rêves des joueurs et des D.M. sont lâchés et livrés à eux-mêmes ! Sur chacune des cartes est surimposée une grille d'hexagones qui font, chacun, huit kilomètres d'un bord à un autre. Les éléments géographiques constitutifs sont indiqués (routes, collines, forêts, fleuves etc.). Jusque-là, rien de bien neuf par rapport à Greyhawk. Mais JUDGES GUILD va donner un numéro à chaque hexagone ; ceci permettra aisément de se repérer sur l'immensité du territoire, contrairement au monde de T.S.R. où il faut faire une petite gymnastique intellectuelle en croisant les abscisses et les ordonnées des hexagones pour les repérer/nommer sur la carte. Il est donc extrêmement facile de se retrouver dans les Wilderlands et tout aussi simple de les peupler d'aventures et de monstres !

Un exemple...

   Mais ceci n'est pas tout. Il reste encore à découvrir ce que renferme ce monde, quels sont ses mystères et ses dangers, de quoi il est constitué...

La structure


   L'aspect qui m'a le plus enthousiasmé est sans nul doute la relative facilité avec laquelle nous pouvons faire le rapprochement avec notre monde - actuel ou historique - à la manière dont a pu le faire Robert E. HOWARD dans ses oeuvres touchant à Conan. En effet, évoquer Viridistan fait appel à une culture persane ; les barbares de la jungle de Lagoldurma ne sont pas sans rappeler les tribus mésoaméricaines ; les Skandiks convoquent largement et facilement la culture viking... Bien entendu, il est possible de faire le même genre de parallèle avec Greyhawk ou encore Mystara ; mais cela me paraît moins évident.
   Ensuite, le syncrétisme avec lequel les auteurs des Wilderlands ont abordé l'aspect religieux est jouissif et fascinant. Bien qu'il y ait des divinités de notre monde (notamment les panthéons égyptien, nordique et celtique pour n'en citer que quelques-uns), il est possible d'inventer ou d'inclure des religions autres, laissant ainsi une liberté incroyable aux joueurs. De la sorte, un Issek de la Cruche est plausible voire même recommandé ; tout Clerc ou religieux quel qu'il soit peut vénérer la divinité qu'il souhaite, sans que cela bouleverse l'équilibre du monde. [A ce propos, je ne peux que préconiser l'utilisation du très riche, très amusant et très instructif Petty Gods.]
   Puis, les trames politiques restent lointaines, succinctes et suffisamment légères pour que n'importe D.M. puisse s'en emparer. L'Histoire de ce monde appartient aux joueurs et chacun peut donc y mettre ce qu'il veut ; aucune table des Wilderlands ne ressemblent à une autre et le maître mot reste « liberté ». Alors bien sûr, il y a bien quelques personnages bons et/ou mauvais çà et là, mais rien n'est figé ; tout est susceptible de pouvoir être travaillé et transformé pour le plus grand bonheur de tous. Les rêves épiques des joueurs et de leurs personnages peuvent être satisfaits, pour peu qu'il y ait survivance...

La Cité des Epices, la Cité Immortelle... Viridistan !

   Enfin, le remplissage de ce monde se fait presque intuitivement. L'utilisation de la numérotation de chaque hexagone permet de « meubler » chacun d'entre eux avec un repaire, un donjon etc. Les lieux habités - villages, villes et autres citadelles - sont recensés succinctement et quelques rencontres « préparées » sont indiquées pour chaque carte. Mais la magie réside dans le fait que chaque D.M. peut choisir l'emplacement qu'il juge le plus approprié pour sa campagne pour chacun des modules qu'il veut placer ici. Ainsi, les modules T.S.R. peuvent trouver leur endroit ; il suffira alors au D.M. de changer un nom pour que cela passe comme si de rien n'était... [Pour ma part, j'ai placé tous les modules et autres scénarii en ma possession sur les différentes cartes. Ce travail me permet, désormais, de pouvoir répondre instantanément à mes joueurs ; ils peuvent aller où ils veulent (même très rapidement avec un sortilège de téléportation, par exemple), je suis en mesure de leur proposer une rencontre, une aventure etc.]

Des lieux à explorer...

Le suivi à travers les différentes éditions


   Un des autres avantages des Wilderlands est la passion qui a accompagné ce monde depuis sa création. Par le fait, plusieurs éditions se sont succédées et, ainsi, les Wilderlands ne sont pas tombées dans l'oubli...

Une des éditions originales.

   La première publication date de 1977. Dès le départ, elle a été soutenue de la manière décrite ci-dessus ainsi qu'à travers les pages des magazines publiés par JUDGES GUILD, que ce soit Judges Guild Journal, Pegasus ou bien The Dungeoneer. Elle se présentait sous la forme de livrets (vendus avec les cartes) et l'ensemble a été édité au fur et à mesure, progressivement.

   L'édition la plus aboutie et la plus fouillée, bien qu'étant destinée à la version 3.5 de Dungeons & Dragons, a été publiée en 2005 par NECROMANCER GAMES.

Une relique des plus complète !

Cette version a été produite sous la forme d'une boîte comprenant les cartes (dix-huit, dont le défaut majeur reste l'impression recto/verso !) et deux gros livrets pour près de 550 pages. Le travail de JUDGES GUILD a été repris tel quel, mais il a été aussi développé, fouillé, travaillé pour donner encore plus de détails (je ne parle pas de précision). Certes, l'édition visée était la 3.5, mais l'objet est très largement utilisable pour toutes les éditions possibles de Dungeons & Dragons ; il s'agit là d'un véritable outil. A noter qu'il y a eu aussi la publication d'un Player's Guide qui reprend en substance quelques informations, notamment celles touchant aux races lors de la création des personnages. Le seul regret que je puisse avoir avec cette édition est relatif aux cartes. En effet, ainsi que je l'ai dit plus haut, elles sont imprimées en recto/verso et sur des tons de gris, ce qui ne facilite aucunement la lecture des documents. Il est vrai qu'un peu de couleur aurait été profitable, mais le budget (et donc le prix de vente) a vite atteint ses limites. Néanmoins, ne serait-ce que pour la compilation des informations, cet objet vaut le détour (et l'acquisition). [Aujourd'hui, la valeur de cette boîte a pris un envol tout bonnement astronomique et absurde !]

   Une dernière édition en date a été produite par BAT IN THE ATTIC GAMES, propriété de Robert S. CONLEY.

La dernière édition...

Cette publication a repris le format initialement choisi par JUDGES GUILD, à savoir l'édition d'un livret accompagné des cartes qui correspondent aux régions présentées. A ce propos, les livrets sont des fac-similés des originaux avec, tout de même, quelques précisions/corrections et ajouts de la part de l'éditeur. En revanche, les cartes ont été entièrement revues et proposent - à l'inverse des cartes de NECROMANCER GAMES - de la couleur, ce qui rend ces outils parfaitement lisibles. L'ensemble complet est constitué de quatre livrets et des cartes.

Une histoire qui finit mal... ?


   Malheureusement, les déboires à caractère raciste rencontrés par les descendants de Bob BLEDSAW (fondateur de JUDGES GUILD) ont fini par pousser les distributeurs à prendre position contre ces attitudes et, ainsi, les produits sont littéralement bannis, donc introuvables... Bien évidemment, cela est très mauvais pour le porte-monnaie des joueurs car ces produits deviennent alors « collectors » et vont souffrir d'une spéculation honteuse. C'est d'autant plus problématique que cela ne remet aucunement le travail qui avait été réalisé par l'auteur originel. Et l'on se retrouve donc puni par les actes de gens qui n'ont rien à voir avec les produits originaux.
Néanmoins, les propriétaires actuels de la maison d'édition continuent de publier et ont adopté une politique de réédition de leur gamme. Il semblerait que les cartes aient été retravaillées (la qualité semble plus que satisfaisante) ; il est peut-être possible d'envisager une quatrième édition de ce monde fabuleux des Wilderlands... ?!?!


   Pour l'heure, contentons nous de ce que nous avons et ne cherchons pas à spéculer sur d'hypothétiques rééditions...

Affûtez vos épées, prenez vos dés et... à l'aventure Compagnons !













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