lundi 27 juillet 2020

The Secrets of Blackmoor

The True History of Dungeons & Dragons...

...Une autre approche de la conception de notre hobby



   Derrière ce titre ne se cache pas un livre racontant la genèse du Jeu de Rôle, non. Il s'agit d'un film ou, pour être plus exact, d'un documentaire retraçant l'histoire et les origines de Dungeons & Dragons et cherchant, par le fait, à rétablir une part non négligeable de la paternité du jeu à Dave ARNESON.

Un contexte particulier



   Dès que l'argent ou le succès populaire entrent dans l'équation des créations humaines, des clivages interviennent à propos des reconnaissances - légitimes ou non - qui doivent être dues aux créateurs. Dans certains cas, la chose est aisée et non discutable ; dans d'autres, au contraire, cela peut mener à des dissensions voire à des procès. Par ailleurs, c'est dans de tels cas que nous voyons alors apparaître généralement deux camps : les pro et les anti (qui peuvent être alternés allègrement selon l'angle où vous vous placez). Notre jeu préféré n'échappe malheureusement pas à cette triste règle...

   Sans revenir sur l'histoire détaillée des reproches, attaques et autres critiques qu'on pu se faire messieurs Dave ARNESON et Gary GYGAX, chacun sait qu'il y eut des disputes et des controverses tournant autour du jeu Dungeons & Dragons. D'un naturel discret, Dave ARNESON - bien qu'il ne se soit pas laissé faire - n'a jamais cherché à faire de la publicité autour des désaccords qui l'opposaient à Gary GYGAX. Ce relatif effacement a laissé le champ libre pour Gary GYGAX qui a fini par être assimilé comme étant le seul créateur de Dungeons & Dragons (il n'est que de voir au jeu Trivial Pursuit la question relative à l'invention de D&D).
   Au sein de notre hobby, peu de gens connaissent le nom de Dave ARNESON et lorsque Gary GYGAX est décédé (en mars 2008), les éloges concernant Gary ne cessaient d'apparaître çà et là, dans la presse papier, sur les blogs et autres forums etc. Ceci provoqua une réaction dans la communauté rôliste, notamment auprès de ceux qui n'accordaient pas l'entière paternité du jeu au défunt. Ces prises de position se sont accentuées un an plus tard avec le décès de Dave ARNESON (avril 2009).


Le projet documentaire



   Partant de ce constat de faits, les réalisateurs du film ont cherché non pas à alimenter les querelles existantes mais, bien au contraire et selon l'expression, à « replacer l'église au centre du village ».
Il s'agit donc plus d'un document historique au sens propre du terme et l'ampleur de la tâche est, à elle seule, significative : six années de travail, deux cents heures d'interviews, vingt mille documents et photos et des visites dans douze villes des Etats-Unis... Le résultat est un film d'un peu plus de deux heures (2h11mn pour être précis) qui vous plonge véritablement dans la genèse de ce jeu qui a changé notre monde dans bien des domaines.

Tout est dans le titre... !

Ce documentaire a fait l'objet d'un financement participatif par le biais de K.S. et a su trouver une base solide de curieux, de fans et de collectionneurs pour que la campagne soit une réussite. Dans l'absolu, l'ensemble du film se décompose en deux parties. La première (qui est le sujet de mon papier) est d'ores et déjà disponible ; quant à la seconde, elle va faire l'objet d'une réalisation prochaine. Pour résumer en simplifiant, le premier film se concentre sur la genèse du jeu de rôle tandis que la seconde s'attachera à aborder le développement de Dungeons & Dragons.
A l'époque, je n'avais pas soutenu l'idée pour diverses raisons et c'est en accédant à quelques extraits que je me suis laissé tenté par cet achat. Force est de constater que je ne regrette nullement et je peux même dire que j'aurais pu me reprocher d'être passé à côté !

Le contenu de cette première partie


   Je vais tâcher de rester vague afin de ne rien vous divulguer ; ainsi la surprise restera entière.

   Tout d'abord, concernant les aspects techniques, tout est parfait à... une exception près. Le son est excellent, ce qui favorise grandement la compréhension des intervenants (car il n'y a pas de traduction quelle qu'elle soit) ; il y a bien les interviews de Robert KUNTZ qui sont un peu difficiles à saisir, mais cela est le fruit de la diction de ce monsieur... La lumière et la photographie sont aussi très bien ; la présentation des documents d'archive est claire et l'on distingue bien ce qui est à voir. La musique apporte l'ambiance attendue pour un tel documentaire : mélancolie et nostalgie quand il le faut, mouvement lorsque les thèmes abordés nécessitent un peu d'action et Fantasy dans les moments rattachés purement au jeu de rôle. Cette musique se confond très bien avec les émotions des intervenants (et du spectateur !) : la première intervention de Malia (fille de Dave ARNESON) est poignante ; en effet, elle évoque le fait que le « vieux » groupe originel des Twin Cities (Minneapolis et Saint-Paul dans le Minnesota) se retrouve chaque année en mai pour jouer sur Blackmoor et que l'année du décès de son père, la bande s'est tout de même rassemblée pour jouer (alors que Dave venait de partir en avril). Il y a d'autres instants très forts, mais je vous laisserai le soin de les découvrir.
Le seul point qui mériterait d'être corrigé pour le second opus concerne les incrustations de texte qui apparaissent lors de la présentation de documents. En effet, elles sont bien trop claires et le manque de contraste avec l'image rend la lecture parfois délicate.

L'objet...

   Abordons maintenant le contenu. Il s'agit véritablement d'un voyage dans le temps ! Celui-ci débute dans les années 1960 en nous présentant succinctement le « personnage principal » de l'histoire et ses passions. Puis, assez vite, nous avons droit à une découverte (pour ceux qui ne connaissent pas) du wargame et de la popularité de ces jeux aux Etats-Unis à cette époque-là (avec deux compagnies montantes, à savoir Avalon Hill et S.P.I.). Les réalisateurs ont le souci du détail car ils expliquent clairement comment se faisaient les rencontres entre joueurs à une époque où vous n'aviez même pas d'ordinateur personnel ! Sont évoqués aussi les clubs et les bulletins qu'ils pouvaient publier, les fanzines et autres magazines (tel The General d'Avalon Hill), les lieux de rencontres (très souvent dans les sous-sol des maisons ; ce qui est un sacré éclairage sur la culture populaire des Etats-Unis et explique aussi pourquoi les kids de Stranger Things jouent à Dungeons & Dragons dans le sous-sol), ainsi que les conventions.
   Ensuite, nous passons aux règles à proprement parler. Le jeu originel (Strategos, jeu publié aux Etats-Unis en 1880) qui a insufflé l'étincelle aux wargamers, la création de jeux à thèmes variés, le tout pour aboutir à un mode de jeu avec arbitre (referee en anglo-saxon ; ce qui est l'origine de nos D.M.). Après l'introduction d'un arbitre qui était principalement là pour apporter une touche subtile aux wargames, à savoir le « brouillard de guerre » ; chaque camp/joueur ne voyait véritablement qu'une partie de l'armée adverse et devait donc manoeuvrer avec des inconnues qu'il devait lever rapidement par le biais de reconnaissances. Ce mode de jeu nécessitait aussi de jouer en communiquant par messages écrits, comme à l'époque napoléonienne avec les estafettes. L'arbitre gérant le temps de transmission et la réussite ou non de telles communications (le messager pouvant tomber dans une embuscade et le document se perdre). Pour ainsi dire, nous approchons à grands pas du jeu de rôle, mais sur un thème militaire. Les figurines utilisées représentaient toujours plus de troupes que l'objet lui-même (une figurine pour 20 à 50 hommes). A la fin des années 1960, un des joueurs du groupe proposa de diminuer l'échelle en offrant aux joueurs d'endosser le rôle d'un chef de guerre ; puis de scénariser les parties, avec des enjeux militaires, politiques, économiques et sociaux. Nous sommes toujours dans le wargame, mais à une échelle beaucoup plus grande (attention, je fais référence à une notion de géographie ; ici), ce qui nous rapproche encore du jeu de rôle tel que nous le connaissons. C'est d'ailleurs dans la première partie de ce style que Dave ARNESON a vu son personnage se faire tuer en duel et il est ainsi dit qu'il est le tout premier mort du jeu de rôle...
   Au tout début des années 1970, Dave ARNESON prend le relais de l'arbitrage et propose aux joueurs de transposer leurs aventures dans un monde médiéval-fantastique dont la pièce centrale ne sera autre que le fameux château de Blackmoor... Chaque joueur incarne un seul et unique personnage évoluant au fur et à mesure des sessions de jeu, lesquelles offrent aux participants la possibilité d'explorer les bas-fonds du castel en affrontant des créatures monstrueuses. Avec le temps, l'échelle se réduira (toujours au sens géographique du terme), étoffant la campagne environnante et permettant aux personnages qui survivent de s'installer comme seigneurs locaux...

Le jeu commercialisé originel...

Au final...


   La suite, vous la connaissez ; enfin presque. Il faudra attendre pour avoir un éclairage sur la vision de l'époque T.S.R./GYGAX par les joueurs des Twin Cities. Toutefois, dans les quelques évocations de Gary GYGAX dans ce premier opus, personne n'a de mot malintentionné à l'encontre de l'individu (c'est même le contraire, ce qui reste une agréable surprise). En visionnant ce documentaire, nous nous apercevons qu'il y a une réelle volonté d'enterrer la hache de guerre mais en faisant une véritable lumière sur l'histoire de notre passion et ses origines. Rien que pour cette attitude, ce film vaut le coup. Mais c'est un vrai documentaire historique et certaines personnes citées comme ayant aidé à la réalisation sont très facilement abordables sur des forums et autres blogs... La transparence est de mise et ce documentaire reste sincère, honnête et humble. Il ne cherche pas à mettre Dave ARNESON sur un piédestal ; c'est simplement une mise en abîme différente et plus honnête.
Ceci est d'autant plus vrai que plusieurs des intervenants expliquent très bien le fait qu'il n'y a jamais eu de planification, que les choses se sont mises en place presque d'elles-mêmes. Un peu comme un très jeune enfant qui découvre la marche et le monde qui l'entoure. C'est une concordance d'idées qui ont amené ces joueurs à créer un nouveau jeu, d'un style totalement novateur et qui allait changer le monde.

   Pour conclure, je vais citer les joueurs originaux : « une chose est très claire ; quelque chose de magique était en train de se passer dans les Twin Cities » !


Dave ARNESON



Installez-vous sur votre canapé et... en route pour l'aventure compagnons !

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