jeudi 6 juin 2019

Question d'environnement

En parcourant les mondes...

De l'exploration

   Lorsque je me remémore mes premiers pas dans le jeu de rôle, avec Dungeons & Dragons (l'édition de Moldvay), je me souviens d'une certaine ivresse, d'un plongeon dans des abîmes sans fond. Cette montée d'adrénaline, cette aspiration vers une liberté infinie qui vous saisit, adolescent, au moment où l'on découvre un monde qui nous paraît à portée de main... Cette excitation, je l'ai eu dès ma première session de jeu. Celle-ci fût pourtant désastreuse pour mon personnage qui n'a pas survécu à sa première balade bucolique, dévoré par un dragon vert... Mais au-delà du décès prématuré de cet aventurier malchanceux, ce qui m'a vraiment époustouflé fût la force de cette liberté évoquée plus haut. Il était possible de s'équiper comme on l'entendait (selon les moyens) et de partir là où l'on souhaitait et cela, jusqu'où nos pas pouvaient nous mener. Découvrir un monde et y vivre !
Le D.M. (qui débutait lui aussi) avait choisi de nicher nos personnages dans les prémices d'un monde dont nous avions un tout petit aperçu avec la page 61 du manuel Expert (p. X61 pour être précis), à savoir ce qui allait devenir Mystara ; le Grand Duché de Karameikos et la cité de Specularum !
Nous avions à notre disposition une photocopie de ladite carte et nous indiquions au D.M. les lieux que nous voulions visiter ou bien nous partions sur des hypothèses diverses en fonctions des rumeurs que l'on collectait et qui nous poussaient, par curiosité, à prendre les chemins pour aller voir de plus près ce qui se tramait là-bas. Très vite, notre imagination et nos rêves nous ont donné envie de nous tailler un fief et de pacifier ce territoire.


Le monde de Mystara

Ceci, à mon sens, est la substantifique moelle des jeux de rôle. La possibilité offerte aux joueurs de voyager, explorer et vivre dans un monde parallèle, dans lequel il est possible d'expérimenter tout un tas de choses. Prendre des décisions en fonction d'une prise de risque acceptable, d'une tentation et d'une curiosité naturelles. Grâce à cela, les joueurs deviennent véritablement les auteurs de leurs propres aventures !

   Assez rapidement, je me suis retrouvé de l'autre côté du paravent, à maîtriser quelques modules/scénarii. Et avec tout autant de célérité, j'ai voulu offrir aux joueurs ce plaisir, cette soif de découverte. Pour ne pas empiéter sur le « territoire » de l'autre D.M., j'ai fouiné pour débusquer un terrain de jeu « vierge ». Nous étions au tout début des années '80 et, un jour, je suis tombé sur le supplément publié par T.S.R. et intitulé Greyhawk. C'est avec une frénésie non contenue (et assumée !) que je me suis donc empressé d'acquérir ce matériel qui allait nous permettre de vivre de glorieuses aventures. Certains anciens joueurs ont décrié (et continuent de le faire) cet accessoire par son manque de profondeur, mais c'est justement ce qui m'a littéralement emporté. Avoir un cadre, avec quelques informations même succinctes, mais une liberté d'exploitation permettant d'inventer ce que je pouvais rechercher en tant que D.M., c'était exactement ce qu'il me fallait. De plus, sans m'en rendre compte, je glissais lentement vers ce que je finirais par découvrir et comprendre plus tard : une campagne ouverte. De cette manière, je transmettais cette liberté d'action aux joueurs. Non seulement ils étaient acteurs dans ce monde, mais ils pouvaient choisir totalement ce qu'ils voulaient faire (à leurs risques et périls). Certes, le travail de préparation du D.M. est colossal avec ce mode de fonctionnement, mais j'y trouve un vrai plaisir (pour reprendre un terme « technique » lu sur un autre blog traitant du sujet des campagnes ouvertes, je suis donc rangé dans la catégorie « exhaustif » ; c'est-à-dire que tout est préparé, prévu...). Cet effort est d'ailleurs récompensé lorsque les joueurs racontent leurs péripéties.


Greyhawk

J'ai donc exploité cet univers pendant de nombreuses années ; puis, je me suis détaché petit à petit de ce monde par le fait de certains puristes à l'esprit fermé qui voulaient absolument voir tel module à tel endroit parce que c'est ainsi, que les Elfes ne pouvaient être accueillis ici parce que l'Histoire « officielle » le prétendait etc. Ce carcan qui prenait forme au fur et à mesure des années finissait par m'empêcher de respirer. Il est vrai que je pouvais faire fi des dires, mais lorsque vous évoquez une anecdote à propos d'une aventure ou d'un personnage et que vous entendez des gens vous dire que cela n'est pas possible parce... bla bla bla... Pour ma part, j'ai jeté l'éponge et me suis tourné vers un « nouveau » monde dans lequel tout serait possible.

   Compte tenu de mon âge qui commence à être avancé, je me suis orienté vers un univers dont j'avais entendu parler (ou, pour être plus exact, dont j'avais lu des articles qui traitaient de lui) durant mon adolescence... Je veux parler des Wilderlands !
Ce monde publié par Judges Guild est, à mon sens, parfait. Il possède - et cela depuis sa création - une dynamique dans laquelle tout est permis. On peut y mettre absolument tout ce que l'on souhaite ; et au final, les Wilderlands d'une table ne sont pas celles de celle d'à côté.


Les Wilderlands

A titre d'exemple, ce que j'apprécie particulièrement c'est le syncrétisme religieux qui est mis en place ici. C'est, d'emblée, une marque d'ouverture. Il n'y a pas de rejet quel qu'il soit. Un joueur arrive et vous dit que son personnage est un Clerc de telle divinité : qu'à cela ne tienne, c'est parfait ! On peut aussi jouer des ethnies bien différentes et exotiques sans avoir à se ruiner avec des suppléments coûteux dans lesquels les règles originelles se perdent (comme nous avons pu le remarquer dès les années '90). Vous voulez jouer un barbare type sud-amérindien ? Vous hésitez entre un personnage de culture mongole ou persane ? Il n'y a pas de problème. Pour ce qui est des modules et autres aventures à placer, vous êtes donc totalement libre de faire comme vous l'entendez, comme vos joueurs le veulent. Etant donné que dès la conception, l'idée était de laisser l'entière liberté aux joueurs, cet espace géographique est un véritable bac-à-sable au sens premier du terme. On y fait et on y met ce que l'on veut. D'ailleurs, même lorsque Necromancer Games a publié une réédition de ce monde, hormis quelques détails supplémentaires s'agissant de villes et autres précisions locales, personne n'a ajouté de contraintes imposant une organisation de cet univers. Les éléments qu'il est possible de glaner çà et là sur internet sont uniquement destinés à donner un peu de corps pour les D.M. désireux de vouloir trouver de la cohésion historique.

   Voilà pourquoi je considère que cet aspect du jeu de rôle est primordial pour moi ; bien plus que d'enchaîner une série de modules, les uns après les autres.

C'est un monde magique ! Magique, mais dangereux...



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