dimanche 28 mars 2021

The Lost Dungeons of Tonisborg

 Les véritables aventures...

...des rôlistes !

   Non, il ne s'agit pas d'évoquer un quelconque lendemain de soirée fortement arrosée de bière naine... Tonisborg ne doit pas être confondu avec ce breuvage danois !

A éviter durant l'exploration !

Mais alors, de quoi s'agit-il ? Que sont ces lieux perdus ? Et surtout, pourquoi ai-je décidé de vous en parler aujourd'hui ? C'est ce que je vais développer immédiatement.

En guise d'introduction

   J'ai pu présenter le travail d'Histoire ludique qui a pour sujet la genèse de notre jeu préféré et intitulé The Secrets of Blackmoor (ici). Ce documentaire, outre l'explication de l'invention de ce que nous connaîtrons comme étant le Jeu de Rôle, présente quelques protagonistes de l'époque ; des « anciens combattants » en quelque sorte. Parmi ces précieux témoins - car beaucoup ont malheureusement disparu depuis ces jours glorieux des débuts -, il est un individu nommé Greg SVENSON (dont une interview est consultable ici). Greg est un des tout premiers joueurs de la version prototype de Dungeons & Dragons et c'est aussi le seul survivant (enfin, son personnage, il s'entend !) de la première aventure en tant que telle.

Greg SVENSON lors de son interview présentée dans The Secrets of Blackmoor.

Or, il se trouve aussi que Greg est passé de l'autre côté de l'écran et qu'il a donc assumé le rôle de D.M. Ainsi, c'est en 1973 qu'il créa son propre Megadungeon, lequel disparaîtra et tombera aux oubliettes pour finir par être plus connu sous le nom de The Lost Dungeons of Tonisborg.

Découvertes archéologiques

   Lorsque le projet du film documentaire The Secrets of Blackmoor a vu le jour, l'idée principale était de nourrir cette réalisation, par le biais d'interviews laissant une trace de ce qui s'était réellement déroulé à l'époque, pour la postérité. Mais, comme pour tout travail à caractère historique, il est impératif de multiplier les sources et, notamment, de ne pas se contenter de témoignages oraux uniquement - ces derniers étant soumis aux aléas de la mémoire humaine ainsi que des fantasmes générés par notre cerveau. Les auteurs du film ont donc pris soin de collecter aussi des sources physiques telles que livrets, brouillons, fiches de personnages etc. C'est au cours de la réalisation du documentaire que des éléments ont fait leur réapparition et plus particulièrement dans la collection privée de David MEGARRY (un autre membre de l'équipe pionnière et créateur du jeu Dungeon !). On peut comprendre cela car Greg a laissé le Jeu de Rôle de côté pendant de nombreuses années et les autres joueurs ont pu, eux, poursuivre sous d'autres horizons. Ce faisceau de conjonctures reléguant les archives dans des boîtes et autres cartons qui finiront par être délaissés et oubliés...

Un exemple des documents archéologiques...

The Lost Dungeons of Tonisborg a pu donc être exhumé et les documents ont été de nouveau mis sous la lumière du jour. Un récit fort bien détaillé de la disparition des manuscrits originaux est lisible ici.

Conserver le patrimoine ludique

   Vous pouvez imaginer aisément ce qui a pu passer par la tête de l'équipe réalisant le film ! Bien entendu, ces archives restent la propriété intellectuelle de leur auteur et il était donc impératif d'avoir l'accord de celui-ci pour éditer éventuellement ces documents. Greg SVENSON a accepté de voir son travail publié professionnellement dans le cadre d'un document historique lié à l'Histoire du jeu. C'est ainsi que cette (re)découverte est devenue un projet parallèle inscrit plus largement dans la même volonté de conserver la mémoire du jeu, à l'instar du film documentaire.

   Il a donc fallu faire un gros travail de rédaction et de mise en forme car, ainsi que vous avez pu le constater ci-dessus, les originaux ne sont que des notes inscrites au milieu des plans ; c'est un véritable outil de meneur de jeu. En ce sens, il est difficilement exploitable par le quidam qui souhaiterait faire évoluer les personnages de ses joueurs dans sa propre campagne. Mais bien au-delà de la simple restitution d'un Megadungeon datant de 1973, l'ouvrage se veut être une sorte de traité sur la façon dont on menait une partie de Jeu de Rôle à l'époque, tout comme sur la création de ce genre de lieu. Pour ce faire, les éditeurs ont adjoint des citations de Dave ARNESON ainsi que des commentaires pertinents de l'auteur de ce module, Greg SVENSON, et d'un des participants d'alors, David MEGARRY.

Un aperçu de ce à quoi devrait ressembler ce Megadungeon...

L'ouvrage devrait avoir fière allure et l'intérieur sera très certainement peaufiné et - espérons le - illustré.

Un contenu plus clair, embelli et exploitable !

Pour ce qui est des éditeurs, certaines images ont pu laisser croire que JUDGES GUILD était de la partie, ce qui ne m'étonnerait guère. Toutefois, les premières esquisses datant de 2018, c'était avant l'affaire sulfureuse qui a vu JUDGES GUILD se faire ostraciser de la communauté du Jeu de Rôle. Aujourd'hui, sur le site officiel, il n'est pas fait mention de cet éditeur. Est-ce une volonté de taire la participation active de celui-ci ou bien y-a-t-il eu vraiment un remaniement lors du tsunami médiatique ? J'en saurai probablement un peu plus dans quelques semaines car j'attends mon exemplaire du premier tirage de cet opus. J'en profiterai à ce moment-là pour revenir sur l'objet et tâcher de vous proposer une petite présentation...

Projet d'illustration pour le livre...

   Quoi qu'il en soit, l'entreprise du projet dans sa globalité (livre et film) est louable et j'adhère complètement à la démarche, que ce soit ludiquement ou historiquement. Si, comme je l'espère, l'ouvrage est à la hauteur des promesses faites, alors nous devrions pouvoir être en possession autant d'un chouette Megadungeon que d'un fabuleux document relatant des évènements qui se sont déroulés il y a maintenant cinquante ans. Mais en attendant, il faut encore faire preuve d'un peu de patience avant d'avoir la possibilité de toucher l'artefact ! Je ne manquerai pas de vous parler de nouveau de ce lieu mythique dont très peu peuvent encore évoquer les aventures qu'il y ont vécues. Dès lors, ce pourra être à vous d'entraîner vos joueurs et leurs personnages dans les tréfonds de ce donjon renommé...


   Pour l'heure, affûtez vos lames et préparez vos dés ! A l'aventure Compagnons !


vendredi 26 mars 2021

Payer pour jouer

The Great Rock 'n' Role-Playing Game Swindle !

Une partie de B&B (Bandits & Benêts) ?


   Je reste constamment estomaqué par les absurdités commises par notre espèce. Dans notre société de consommation, il n'est pas rare de relever des comportements pour le moins choquants et aberrants. La notion de gratuité pousse parfois à des actes décontenançant ; qui n'a jamais vu quelqu'un s'empiffrer simplement parce qu'il a payé un forfait et peut manger à satiété, presque jusqu'à la nausée ? Dans notre microcosme ludique, il est un autre genre de réflexe. Celui de vouloir payer quelque chose qui, à la base, est totalement gratuit !

Du mouton au joueur de Panurge ?

   Au fil de mes lectures virtuelles - j'entends sur internet - j'ai récemment découvert l'ampleur d'un phénomène relativement connu, mais dont personne n'a, à ma connaissance, encore véritablement chiffré et examiné l'impact. C'est un billet, sur un blog, qui a attiré mon attention et m'a amené à réfléchir sur un fait curieux. L'auteur du texte expliquait que sur la plateforme de jeu en ligne, ROLL20, il y avait de plus en plus d'annonces de parties avec des D.M. rémunérés. Selon son estimation, il y aurait entre 25 et 35 % des propositions faites par des D.M. qui offriraient leurs services contre monnaie sonnante et trébuchante. Evidemment, d'un point de vue « scientifique », cette évaluation manque de rigueur car l'écart de 10 % reste tout de même important. Néanmoins, si l'on part sur la base la plus faible, cela représenterait un quart des notifications ; ce qui reste marquant. Quant à la somme réclamée, elle s'échelonne entre 10 et 20 $ pour une session, laquelle fait - en moyenne - environ trois à quatre heures. Mais il faut aussi garder à l'esprit que cette participation financière est à appliquer à chaque joueur s'inscrivant - là encore, on peut estimer entre quatre et cinq joueurs. Le total devient tout suite plus impressionnant : 40/50 à 80/100 $ la session ! Je ne me suis pas amusé à estimer le coût d'une campagne comprenant plusieurs sessions car je crois que j'irais noyer mon chagrin dans un pack de six ! Ceci étant le sommet de l'iceberg...

   Quid de la qualité de jeu ? Toujours selon l'auteur de ce billet, ces meneurs de jeu s'auto-proclament les « Legendary D.M.'s ». Heureusement que j'étais assis en lisant ceci car j'ai frôlé la syncope ! Quelle prétention, quelle outrecuidance, quelle audace ! Comment peut-on s'affubler d'une telle étiquette ? Pour être honnête, j'hésite entre la crise de fou rire et l'idée d'aller chercher trois mètres de corde... Il y a de quoi être dépité. Mais le délire ne s'arrête pas là, comme vous pouvez vous en douter ; que nenni ! Les individus - dont l'ego n'a pas de limite - avouent, qu'en fait, ils ne jouent à Dungeons & Dragons que depuis deux à trois ans. C'est leur bêtise qui est légendaire pour le coup ! Et ce n'est pas tout, parce que pour que ce genre d'annonce soit postée, il faut qu'il y ait du répondant ; ce qui sous entend qu'il y a donc des joueurs prêts à payer ces soit disant « Legendary D.M.'s » pour vivre des heures de jeu palpitantes... C'est là que l'on touche le fond de nos sociétés de consommation. Des énergumènes prétendant jouer à un jeu permettant de libérer l'imagination vont valider un fait et rémunérer un rôle qui, à la base, est gratuit ! Sommes-nous tombés si bas ? Pourtant, l'idée avait déjà amené à une réflexion il y a près de quatre ans, jour pour jour. En lisant parallèlement les deux billets, on remarque que cette singularité a d'ailleurs pris une fâcheuse tendance à se développer. Pourquoi ? Comment se fait-il que des joueurs puissent en arriver à ce stade, à vouloir être payés et/ou à payer ?

Sans commentaire...

Une justification

   Alors bien entendu, il est tout à fait possible d'argumenter pour justifier cette démarche de réclamer de l'argent ou bien d'en donner. Essayons de voir les deux points de vue, celui du D.M. et celui du joueur.

   Un des arguments avancés pour dédouaner les D.M. cupides est celui de l'investissement dans la préparation d'une session de jeu. Certes, maîtriser demande un engagement important, que ce soit pour faire jouer un module commercial ou bien une production personnelle. Le D.M. passe beaucoup de temps à lire et relire, à comprendre tous les tenants et les aboutissants de l'aventure, à appréhender toutes les actions des joueurs (et cela, tous les D.M. savent que c'est impossible !), à connaître les créatures mises en jeu et leurs interactions avec le groupe etc. etc. La préparation d'une session est laborieuse, mais palpitante. Mais faut-il, pour autant, demander un dédommagement pécuniaire pour ce labeur ? Certes, le rôle de D.M. peut paraître rebutant et déroutant - c'est probablement pour cela qu'il peut être difficile pour certains groupes de trouver quelqu'un qui veuille bien endosser cette fonction -, mais lorsque la table se constitue, c'est la principale affaire à régler. Garde-t-on toujours le même D.M., met-on en place une rotation ? Ce sont des questions qui se discutent avant de démarrer quoi que ce soit. Par le fait, le meneur de jeu sait parfaitement à quoi s'en tenir et où il va. Par ailleurs, il est fréquent, autour des tables régulières, d'avoir des personnes qui apportent des victuailles, que ce soit à manger ou bien à boire ; et cela est souvent bien suffisant comme forme de « rémunération ». Une autre éventualité est un achat groupé pour un module qui, ensuite, est offert à la personne qui veut bien endosser la responsabilité de la maîtrise. J'ai connu ce principe étant adolescent et ça fonctionne assez bien, du moins tant que les ressources sont limitées. Certes, il existe bien des tables où une inscription payante est attendue, mais cela se produit dans le cadre des conventions où les organisateurs ont pris soin d'inviter une personnalité du jeu. Dans ce cas-là, il y a des frais à éponger : transport, nourriture et hébergement. Néanmoins, ce sont des cas bien spécifiques et il ne peut y avoir de doutes quant aux attentes. Mais que faire si personne ne veut assumer le rôle de D.M. ? Et c'est bien-là, peut-être, l'origine du système des D.M. rémunérés. Nous pouvons donc avoir des tables de joueurs - uniquement - qui se retrouvent sans personne pour maîtriser ; la seule solution, à leurs yeux, est semble-t-il celle du défraiement. 

Les limites

   Ces dernières risquent d'être atteintes très vite. En effet, percevoir des émoluments de la part des autres joueurs va rapidement faire peser un poids supplémentaire sur les épaules du D.M. Cet accord tacite est implicite en ce sens que les payeurs sont en droit de pouvoir exiger quelque chose (« le client est roi ») ; celui qui prend le rôle du meneur de jeu ne peut nier ce fait et se trouve tenu d'offrir une qualité de prestation. C'est d'autant plus vrai lorsque la maîtrise se fait face à des joueurs inconnus, qui ne prendrons pas de pincettes pour vous signaler leurs attentes et faire poindre des critiques plus ou moins acerbes. Mais, et cela devient plus grave, ce service après vente entrouvre la porte à tous les mécontents et autres dénigreurs « professionnels » qui vont, dès lors, justifier une demande remboursement. Les possibilités sont infinies : application ou non de telle ou telle règle, puissance des créatures rencontrées, butin, objets magiques, points d'expérience, descriptions insuffisantes etc. etc. Les souhaits de chacun, en terme de sensation perçue autour de la table, peuvent aussi être une cause de dilemme. Comment réagir face à un joueur qui vous dira qu'il s'estime avoir été laissé de côté ? Comment apprécier ce genre de reproche ? Ce qui est envisageable lorsque vous commandez un steak dans un restaurant et que la cuisson ne vous convient pas, devient ici un piège dont il est beaucoup plus difficile de se sortir. Et l'insatisfaction peut rapidement dégénérer et aboutir à des épisodes pénibles d'échanges entre celui qui vend ses services et les clients. Encore une fois, notre monde (et mode !) de consommation laisse de moins en moins de place à l'erreur et nous pousse à avoir des exigences relevant de la perfection. Et une des dernières limites - mais pas des moindre ! - consiste à savoir comment estimer à sa juste reconnaissance la prestation d'un D.M. ; quel prix demander ? Là, nous revenons à nos « Legendary D.M.'s » qui peuvent perdre le sens des valeurs et, au contraire, se laisser dévorer par un ego sans limite !

Le temps des comptes

   Vous l'aurez compris, j'abhorre l'idée de payer pour se retrouver entre individus pour jouer. Une session de jeu, à mes yeux, c'est un plaisir partagé, c'est s'entourer d'amis avec qui on échange, on discute, on blague, on rit et on joue. Le Jeu de Rôle a une fonction sociale qui permet de s'évader en groupe ; ce n'est pas un commerce avilissant et rabaissant cette fonction du rêve à une étape payante des distractions de soirées ou de week-ends (je ne parle pas, bien entendu, des éléments constitutifs tels que les manuels et autres accessoires). Au bout du compte, je trouve cela très triste de savoir que des individus en sont réduits à accepter de payer un tiers pour animer une session de jeu. Quelle pauvreté ! Quant aux rats qui cherchent à se faire du beurre sur tout et tout le monde, qu'ils n'approchent pas ma table !

Le « sans contact » fonctionne ?

   N'oubliez pas... A l'aventure Compagnons !


 


samedi 13 mars 2021

The Game That Changed Everything

Du témoignage pour...

...l'Histoire de notre hobby


   Nos personnages ont beau vivre des aventures palpitantes, toucher à la magie (comme artisans ou bien comme victimes), affronter des créatures toutes plus fabuleuses ou horribles les unes que les autres, amasser des monceaux d'or et de pierres précieuses, détenir des objets aux pouvoirs magiques incommensurables, ils restent le fruit de nos imaginations débordantes et, par leur caractère impalpable, finiront aussi par disparaître...

L'héritage

   Le côté joueur de l'espèce humaine (cet Homo Ludens défini par Johan HUIZINGA) génère des passions dont le propre est de nous faire perdre un certain sens des réalités (au moins le temps du jeu). Or, entre 2008 et 2009 - en plein essor de la vague O.S.R. -, les trois « Géants » de notre hobby nous ont quittés, endeuillant la communauté rôliste et nous rappelant combien notre existence reste précaire. Ces trois grands piliers fondateurs sont Gary GYGAX (mars 2008), Bob BLEDSAW (avril 2008) et Dave ARNESON (avril 2009). Le P.D.G. de l'éditeur FROG GOD GAMES, Bill WEBB, les a définis - dans un très bel hommage introductif au Megadungeon Rappan Athuk - de la manière suivante. Pour lui, Dave est celui par qui tout a commencé, en ce sens qu'il a été celui qui a théorisé les principes ludiques du jeu de rôle sur table. Bob est le visionnaire du trinôme ; celui qui va - le premier - façonner un monde réellement vaste allant bien au-delà des environs de Blackmoor ou bien de Greyhawk (la cité-Etat) avec ses Wilderlands of High Fantasy (qui, je le rappelle, correspondent en superficie à l'espace du pourtour méditerranéen !). Quant à Gary, il est un conteur émérite - qui saura produire d'excellentes aventures - et aussi un architecte hors pair, ce qui lui vaudra le surnom d'homme des Dungeons. Il est donc évident que l'ensemble de la communauté rôliste doit absolument tout à ces trois hommes. Dès lors, les honneurs rendus à chacun ont fait naître des échanges, parfois houleux, à propos de la paternité de telle ou telle idée et autre conception. Il est donc apparu assez vite, avec la disparition de ces « Géants », la nécessité de documenter l'Histoire de notre hobby afin de réaliser un récit précis et juste de sa genèse. Ainsi, en 2012, Jon PETERSON publie Playing at the World, véritable somme sur l'histoire du jeu de rôle, tandis qu'en 2019 sort le documentaire Secrets of Blackmoor qui, lui, est plutôt axé sur le développement du concept (glissement du wargame vers le jeu de rôle ; ici).

Le devoir de mémoire

   C'est avec cet état d'esprit qu'un des témoins majeurs des débuts de Dungeons & Dragons a décidé de transmettre son propre témoignage. Ceci est tout à son honneur car il est une source de première main et, agissant de la sorte, il évite bien des errements aux futurs historiens du jeu... ! C'est ainsi que Robert J. KUNTZ a commencé à publier des ouvrages à caractère historique tels que Dave Arneson's True Genius ou The Red Book : Merlynd the Magician. Sa dernière publication en date est donc The Game That Changed Everything.

La première de couverture avec le château de Blackmoor...

   A la fois par curiosité, par souhait d'apprendre davantage sur la genèse de notre hobby et tout autant par déformation professionnelle (forcément, en tant qu'historien !), je n'ai pu résister à l'acquisition d'un exemplaire de ce nouvel opus. Nous allons donc découvrir ce que recèlent ces pages qui viennent documenter judicieusement la construction historique du jeu de rôle de manière générale et de Dungeons & Dragons en particulier.

   Je trouve que la démarche de Robert J. KUNTZ est singulièrement pertinente car elle permet d'obtenir et de conserver un témoignage provenant d'une source directe. Bien évidemment, cela reste soumis à la qualité des souvenirs, mais il semblerait que Robert J. KUNTZ bénéficie d'une excellente mémoire. Par ailleurs, la précision de sa plume ne souffre aucune ambiguïté, ce qui fait donc de ce document une pièce pour le moins importante. Il est utile, aussi, de rappeler que Robert était un ami de Gary et qu'ils se sont rencontrés par le biais des wargames en 1968 ; Gary considèrera qu'il aura « adopté » Robert en 1972...

Petite présentation physique

   Ce document n'est pas un livre, ni même un livret d'ailleurs ; non, il s'agit plutôt d'un fascicule. Il comprend 12 pages dont deux desservent les première et quatrième de « couverture ». La similitude avec les modules de la « grande époque » de T.S.R. est frappante (cf. l'illustration ci-dessus) ; Robert J. KUNTZ allant même jusqu'à utiliser un logo pour sa maison d'édition (T.L.B. Games) qui soit très proche du « Magicien » de T.S.R. Le corps du texte est rédigé avec une police de caractère qui est équivalente à celle du Player's Handbook et se trouve agrémenté d'illustrations reprises çà et là en provenance d'autres publications. Quant à la dernière page, celle correspondant à la quatrième de couverture, elle est une copie conforme des produits T.S.R. ; on y voit une illustration et une petite liste des autres articles qu'il est possible de se procurer chez T.L.B. Games. Ces derniers sont classés en trois catégories : modules, posters (notamment avec des fac-similés de cartes et autres plans) et publications à caractère historique. Les dimensions de ce petit opus sont celles du standard U.S. Personnellement, j'aurais apprécié - pour un clin d'oeil bien prononcé - une couverture cartonnée amovible, exactement comme ce que nous pouvions trouver à l'époque avec les modules commerciaux de T.S.R. ; mais ce n'est qu'un fantasme de joueur invétéré... Bien qu'ayant acheté ce document, je suis tout de même estomaqué par son prix élevé ($ 15.00) ; c'est exactement le même prix que pour l'ouvrage concernant Dave ARNESON, mais celui-ci fait 72 pages ! Qu'on ne se méprenne pas, je ne me plains pas (sinon je n'aurais pas fait la démarche d'en acquérir un exemplaire), mais il me semble que c'est tout de même exagéré.

Relation d'une soirée hivernale

   Robert J. KUNTZ entreprend donc de nous relater ce qui s'est déroulé au cours de cette incroyable soirée de novembre 1972. Il a fait le choix de nous raconter cela non pas de manière factuelle et distante, mais plutôt à la manière d'un ami qui vous rapporte les évènements comme il les a vécus. Grâce à son style, nous pouvons imaginer et vivre les différentes scènes ; c'est un peu comme si l'on regardait le premier épisode de Stranger Things (enfin, c'est l'effet que cela m'a fait !). Sans reprendre à la lettre son exposé, je vais évoquer simplement les actions qui ont marquées - de façon durable - le monde ludique.

   Nous sommes donc en novembre 1972, à Lake Geneva. Un évènement extraordinaire va se jouer dont les protagonistes sont Gary et Ernie GYGAX (ce dernier ayant 13 ans alors), Robert J. et Terry KUNTZ (Terry étant le frère aîné de Robert) - ces quatre là se connaissent et gravitent dans le même univers ludique - et Dave ARNESON accompagné de David MEGARRY. Les deux derniers ont fait la route depuis Minneapolis (cinq heures de route et près de 550 kilomètres !). L'objet de cette visite est une partie test pour la présentation d'un nouveau concept de jeu qui est déjà pratiqué depuis près d'an et demi par le groupe de joueurs des Twin Cities.

   Pour ce faire, Dave ARNESON endosse le rôle du meneur de jeu et David MEGARRY choisit délibérément de rester en retrait (mais il interviendra de manière ponctuelle) afin que les nouveaux joueurs puissent véritablement découvrir ce jeu en étant totalement investis dans la partie. Au cours de cette soirée, Gary et ses amis vont apprendre à leurs dépens ce que recèle la fameuse auberge « The Comeback Inn », puis ils vont explorer les tréfonds du château de Blackmoor (pour lequel David rapportera au groupe la rumeur d'un Vampire ayant élu domicile dans les souterrains), ils y affronteront un Troll, verront un des leurs (le personnage de Terry) se faire carboniser par une boule de feu lancée par un puissant Magicien, fuiront le terrible donjon, seront confrontés au délicat dilemme de savoir où se cacher (le village risquant d'être dévasté par le Magicien qui les poursuit avec sa horde), adopteront la sage décision de sauvegarder les villageois en prenant la poudre d'escampette dans la nature, croiseront un groupe de quatre Balrogs (!!!) au cours de leurs pérégrinations bucoliques, esquiveront cette infortunée rencontre, trouveront une grotte dans laquelle se cacher mais découvriront que celle-ci est habitée par une tribu d'Ogres composée d'une quinzaine de membres et concluront cette épique promenade à l'aide d'une fort belle ruse pour venir à bout des terribles Ogres... Ouf ! Pour une découverte, ce fût intense ; c'est le moins que l'on puisse dire.

   Mais, l'équipe de joueurs embraya sur une autre partie test, celle du jeu conçu par David MEGARRY, le fameux Dungeon ! La maîtresse des lieux, Mary GYGAX (la première épouse de monsieur), interviendra au cours de cette session de jeu de plateau car il se fait tard et le jeune Ernie a très largement dépassé le temps qui lui était imparti... Grâce à l'intervention opportune de son père, l'adolescent pourra poursuivre et c'est ainsi que l'équipe au complet rendra les armes vers deux heures du matin. Le temps que tout ce petit monde se couche, il sera alors trois heures... Six heures plus tard, Dave et David reprennent la route pour Minneapolis et Robert revient chez son ami Gary pour discuter de ce qu'ils ont vécu durant la nuit. La suite, vous la connaissez...

Du jeu oldschool

   La lecture de cette relation, à elle seule, synthétise l'esprit du jeu oldschool, la sève de l'O.S.R. On y trouve tous les composants de ce qui a fait palpiter les joueurs de l'époque et ceux qui cherchent à retrouver cette ambiance de nos jours. L'introduction, dans la fameuse « The Comeback Inn », amène d'emblée un exercice de réflexion. Pas de combat, mais déjà un effort intellectuel pour trouver une solution au problème proposé par le D.M. Ensuite, on trouve le concept d'exploration des non moins fameux Dungeons, l'idée de circulation de rumeurs (le vampire de Blackmoor), des combats avec quelques récompenses à la clé (pour le cas présent, il s'agissait d'une épée magique), des risques létaux avec un adversaire puissant tel que ce Magicien qui a littéralement rôti l'un des aventuriers, de la peur lors de la fuite effrénée dans les couloirs du castel - il est amusant de noter que Robert J. KUNTZ en parle comme de la véritable crainte, les joueurs étant véritablement immergés dans l'aventure - , des cas de conscience, des rencontres aléatoires, du jeu en extérieur et, pour conclure, de la ruse avec les moyens du bord pour venir à bout d'un problème donné.

   Ce que ces hommes ont vécu durant cette soirée historique n'est ni plus ni moins que la quintessence du Jeu de Rôle : réflexion, exploration, mort, sensations, introspection et conscience, rencontres aléatoires et débrouillardise mêlée d'intelligence. Il me semble que le tour de force que vient de réaliser M. Robert J. KUNTZ est celui de la brillante synthèse de ce qu'est le Jeu de Rôle dit « oldschool ». Il faut aussi garder à l'esprit qu'à l'époque, Dave ARNESON n'a que quelques pages de « règles » et que l'essentiel vient de l'improvisation. Nous sommes vraiment très loin des jeux plus modernes qui remplacent les actions des joueurs (y compris leur réflexion) par des jets de dés... Rien que pour ça, ce document mérite qu'on le lise. Au final, je me félicite d'avoir fendillé ma tirelire pour acquérir un exemplaire de ce petit opus par son physique, mais ô combien important par son éclairage et sa composante historique.

Pour en finir avec ce changement notable

   Alors oui, le monde du jeu va être bouleversé par ce qui s'est passé durant cette nuit de novembre 1972 à Lake Geneva ; et cela pour notre plus grand plaisir. Je dois aussi rendre hommage à Robert J. KUNTZ pour cette entreprise de collection à caractère historique. Son travail est d'un éclairage pertinent et extrêmement humain. Je vous assure qu'en lisant ce fascicule, j'ai véritablement voyagé dans le temps et retrouvé ces sensations qui m'ont ému à l'époque où j'ai découvert le Jeu de Rôle. Un grand merci à l'auteur pour ce moment de bonheur. Je ne peux que conseiller aux collectionneurs, curieux et autres historiens (du jeu) que de lâcher quelques dollars pour ce document ; ils ne le regretteront pas !



   Et pour l'heure... A l'aventure Compagnons !



dimanche 7 mars 2021

De nouvelles explorations en perspective !

Voir les choses en grand...

avec un Megadungeon !


   Ce billet n'a pour vocation que de faire une petite mise à jour des différents Megadungeons existant à cette date. Je ne ferai pas le tri selon les systèmes de règles utilisées car j'estime que ce serait faire insulte aux capacités des D.M. à adapter un module à celles qu'ils pratiquent. L'objectif est d'essayer de tenir cette liste à jour (dans ce billet ou bien à travers de nouvelles publications) afin de conserver un catalogue qui soit le plus exhaustif possible. Compte tenu de la rareté de certains ouvrages par le fait du faible nombre lors de l'édition, il ne me sera pas possible, seul, de réaliser cette collection. Aussi, n'hésitez pas à laisser - dans les commentaires - un petit mot pour m'indiquer telle ou telle publication que j'aurai pu laisser passer, qu'elle soit sous forme papier ou bien uniquement numérique.

   Je profite aussi de ces lignes pour vous indiquer un article copieux et fort bien documenté que vous pourrez consulter ici. Je me dois, pour faire bonne figure, de remercier l'auteur de ce texte pour l'éclairage très pertinent et détaillé qu'il apporte aux Megadungeons ainsi que pour avoir cité ma propre publication sur ce blog. S'il me lit de nouveau, qu'il trouve donc là mes plus sincères remerciements.

Une descente aux enfers...

   Allez, sans plus attendre voici notre petit inventaire...

- A Fabled City of Brass

- Anomalous Subsurface Environment (ASE1 et ASE2-3)

- Armaron Castle

- Ballade pour un oiseau-lyre

- Barrowmaze Complete

- Castle El Raja Key

- Castle Gargantua

- Castle Greyhawk

- Castle of the Mad Archmage

- Castle Triskelion

- Castle Whiterock

- Castle Xyntillan

- Castle Zagyg

- Caverns of Thracia

- Cha'alt

- Dark Tower

- Depths of Felk Mor

- Doomvault (tiré de Dead in Thay)

- Dragon’s Delve (Dungeon #62)

- Dragon Mountain

- Dungeon Full of Monsters

- Dwimmermount

- Dyson’s Delve

- Dyson Megadelve

- Eyes of the Stone Thief

- Foolsgrave

- Geir Loe Cyn-Crul

- Greyhawk Ruins

- Gunderholfen (+ Darkness At Nekemte qui est juste un complément annexe)

- Highfell : The Drifting Dungeon

- Inferno

- Jakallan Underworld

- Les Brumes

- Maure Castle

- Maze of the Blue Medusa

- Mike’s Dungeons

- Mike’s Dungeons : The Deep Levels

- My Own Private Jakalla (de Dyson LOGOS)

- Mythrus Tower

- Necropolis

- Night Below

- Palace of the Vampire Queen

- Rappan Athuk

- Ruins of Kwalishar

- Secrets of the Nethercity

- Stonehell Dungeon

- Tegel Manor

- Temple of Elemental Evil (+ Return to the Temple of Elemental Evil)

- The Banewarrens

- The Complete Roslof Keep Campaign (+ The Complete Curse of Roslof Keep)

- The Darkness Beneath

- The Dungeons of Castle Blackmoor

- The Emerald Spire

- The Forbidden Caverns of Archaia

- The Grande Temple of Jing

- The Halls of Arden Vul

- The Keep on the Borderlands (B2)

- The Lost City (B4)

- The Lost City of Barakus

- The Lost Dungeons of Tonisborg

- The Marmoreal Tomb

- The Maze

- The Mines of Khunmar

- The Original Bottle City

- The Ruins of Undermountain

- The Slumbering Tsar Saga

- The Thieves of Fortress Badabaskor

- The Twisting Stair

- Tomb of Abysthor

- Under Xylarthen's Tower

- World’s Largest Dungeon

   Certains de ces modules sont encore en phase de conceptualisation (bien que les brouillons soient déjà très avancés et qu'ils aient pu être testés lors de conventions) ou très bientôt en vente.

Combat épique dans les tréfonds d'un complexe souterrain...

   Il est fort probable que cette liste s'allonge au gré du temps et des envies des concepteurs, D.M. et autres joueurs ; aussi, n'hésitez pas à laisser quelques mots pour signaler des ajouts ou omissions. D'avance, merci !

   Et en attendant... A l'aventure Compagnons !