vendredi 30 avril 2021

Le jeu (de rôle) comme outil d'apprentissage


De l'Homo Ludens à...

Ergastulis & Dracones


   Je voue une véritable passion pour le jeu, sous quelle que forme que ce soit (sauf ceux qui impliquent de l'argent). Il faut dire que c'est un élément du patrimoine génétique de la famille ; tout le monde joue et à tout. Adolescent, en pleine construction et avec la découverte des wargames et de Dungeons & Dragons, je me suis « spécialisé » dans ces jeux par goût mais aussi parce qu'ils me permettaient de me sentir « différent ». Puis, la vie (estudiantine, professionnelle, parentale) m'a amené à réfléchir autrement sur la fonction du jeu ; ne pas/plus y voir uniquement un divertissement, mais plutôt quelque chose d'essentiel dans le développement humain, que ce soit en terme de sociabilisation, d'apprentissage de la règle (celle qui régit une société tout comme un jeu), de construction de soi etc. Durant toutes ces années (cela fait maintenant un peu plus de quarante ans !) de pratique du jeu de rôle, j'ai pu me poser comme simple observateur de l'exercice ou bien comme artisan de sa réalisation (joueur ou D.M.). Aujourd'hui, avec un peu de recul, je peux essayer de faire un petit bilan de mes réflexions.

« Les jeux d'enfants », peinture de Brueghel l'Ancien, 1560.

La peur de l'inconnu...


   Avant de pouvoir élaborer une pensée cohérente sur le sujet, il me faut faire un petit rappel de faits néfastes pour la communauté rôliste. A l'origine, le jeu de rôle s'est trouvé noyé dans son ferment ludique, les wargamers (ici). Le temps nécessaire pour sa maturité ne lui a pas permis, immédiatement, d'apparaître sur les radars sociaux et médiatiques grand public. Cette relative confidentialité lui a accordé une période de consolidation dans son développement et ce n'est donc qu'en 1974 que la première publication officielle et publique verra le jour. Mais vu les tirages (quelques milliers) et l'aspect de nouveauté, Dungeons & Dragons a encore bénéficié d'un répit avant de connaître une gloire méritée entre 1976 et 1982. Cet accroissement rapide - que ce soit en nombre de pratiquants et en termes pécuniaires - va attirer indéniablement le regard de la société sur ce « nouveau » passe-temps. Le déclencheur sera l'affaire James Dallas EGBERT III, ce jeune étudiant, amateur de jeu de rôle, qui disparaîtra dans les sous-sols de la Michigan State University en 1979. Dès lors, et jusqu'au milieu des années '80, une partie de la société états-unienne n'aura de cesse de s'attaquer à Dungeons & Dragons, T.S.R. et à l'image que peu renvoyer le jeu de rôle aux yeux de cet échantillon de population d'une manière générale (je vous recommande chaudement la lecture de Dangerous Games de Joseph P. LAYCOCK, publié en 2015). Ce début de la décennie 1980 accouchera du B.A.D.D., de Dark Dungeons et du film Mazes and Monsters entre autres... Ce conglomérat bien-pensant, hypocrite et imprégné de bigoterie, voyant une partie de ses enfants lui échapper en pratiquant un jeu d'un genre nouveau (donc inconnu) et craignant de perdre le contrôle de sa progéniture, va alors entamer cette croisade stérile.

Un exemple d'attaque contre Dungeons & Dragons par l'intermédiaire des médias.

   Nous sommes au début des années '80 et pour nous, Français, cela nous reste relativement inconnu. Il est vrai que l'accès aux médias états-uniens n'est pas aussi aisé qu'aujourd'hui. Mais la bêtise ne reconnaissant pas les frontières, nous ne serons pas épargnés et nous aurons notre propre déferlement de stupidités à l'encontre du jeu de rôle, avec une dizaine d'année de décalage. Cela débutera en 1990 avec l'affaire de Carpentras et se poursuivra jusqu'en 1994-1995 avec quelques émissions de télévision destinées au grand public. Le jeu de rôle aura donc eu des débuts un peu houleux ; non pas qu'il soit complètement accepté de nos jours (il y a bien encore, çà et là, quelques actions à son encontre, principalement encore aux U.S.A.), mais en tout cas, il affiche une forte tendance à la popularité, voire même une reconnaissance dans la Cool Attitude. A tel point que le 8 juillet 2020, la radio du service public France Inter lui accorde presque une heure d'émission (ici) ! Et je ne parle même pas des chaînes sur internet qui diffusent des parties...

Les fondements


   Mais pourquoi ai-je évoqué ces faits ? Quel rapport cela peut-il avoir avec l'intitulé de ce billet ? Eh bien justement, c'est parce que le jeu de rôle semble beaucoup plus admis dans nos sociétés qu'il est, aujourd'hui, l'objet d'étude et de réflexion d'universitaires et de professionnels. Deux auteurs en particulier vont être à l'origine de ma réflexion. Le premier, je l'ai « croisé » durant mes études. Il s'agit de Johan HUIZINGA, historien néerlandais spécialisé dans l'histoire culturelle et auteur du fameux Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu (publié en 1938). Il sera un des pionniers de cette réflexion sociale sur l'importance du jeu dans la construction de l'Homme, allant jusqu'à dire que « le jeu est une tâche sérieuse » - je ne peux, d'ailleurs, m'empêcher de vous lancer un petit clin d'oeil humoristique (ici). Le deuxième est un littéraire nourri de sociologie, Roger CAILLOIS, qui en 1958 va dresser une typologie du jeu dont vous pouvez trouver un résumé sur internet (ici).

Un schéma pouvant accompagner la synthèse référencée ci-dessus. 

Ces travaux vont être à l'origine d'une observation plus élargie qui se verra grandir en sociologie dont on peut avoir un aperçu dans Jeux de rôle. Les forges de la fiction (Olivier CAÏRA - 2007) et Le jeu de rôle sur table, un laboratoire de l'imaginaire (sous la direction de Danièle ANDRE et Alban QUADRAT - 2019). En parallèle, en psychiatrie et psychologie, Serge TISSERON propose de développer le jeu de rôle à l'école maternelle pour de multiples raisons dont nous pouvons avoir un aperçu abrégé dans une petite vidéo (ici). Ces recherches sont à l'initiative d'un lent revirement de situation quant au regard porté par notre société sur les jeux de rôle depuis les années 1990. Elles peuvent aussi en être l'aboutissement car, aujourd'hui, les sciences amènent à réfléchir sur l'impact important du jeu dans la formation des futurs individus qui constitueront les sociétés de demain. Avec cet exemple français, nous pouvons voir l'évolution de la pensée à l'encontre du jeu de rôle.

De la diabolisation à la bienveillance utile aux U.S.A.


   La réflexion axée sur le jeu de rôle que nous avons pu constater en France n'est pas unique ; aux Etats-Unis aussi, une évolution de la pensée a été menée. Il est à noter que les joueurs - qui n'étaient encore que des adolescents dans les années '80 - ont vieilli et qu'ils peuvent, aujourd'hui, être à des postes clef permettant de présenter ce hobby sous un angle différent. J'ai évoqué plus haut l'idée de la Cool Attitude ; il n'est pas rare de voir des vedettes s'afficher comme, et revendiquer être, des joueurs passionnés de jeu de rôle. Mais dans une démarche toujours de théorisation et de soin apporté à l'image de cette activité ludique, on observe aussi, outre Atlantique, une méthode professionnelle permettant de faire réfléchir quant à ce loisir. Dans un article publié le 8 octobre 2018 (ici), un constat récurrent apparaît : la jeunesse d'aujourd'hui est littéralement obsédée (possédée ?!?) par les écrans et perd, petit à petit, le goût et la capacité de lire. Ce bilan est attesté par les parents et les enseignants, d'une manière générale. Le professeur Ian SLATER (de la York University, à Toronto) n'hésite pas dire que « D&D est une voie d'accès à l'addiction à la lecture » et que les enfants qui se mettent à lire avec avidité les bouquins de règles finissent par développer une appétence pour cette activité, bien au-delà du jeu. Ian SLATER a commencé à jouer à l'âge de 10 ans et a été un des membres du comité de rédaction du magazine Oldschool en ligne, dédié notamment à AD&D& Magazine (ici) ainsi qu'un des contributeurs réguliers sur le forum de Dragonsfoot (ici). A noter aussi qu'il n'a jamais cessé de jouer (à quelques rares occasions près). Le jeu de rôle peut donc, dans un premier temps, mener au goût pour lecture et, pour cela, certaines écoles états-uniennes se servent du jeu de rôle comme d'un outil pédagogique.

Chez les plus jeunes...

L'utilisation du jeu comme moyen d'apprentissage et de création d'un réseau de sociabilisation peut se faire dès l'école primaire. Mais il est aussi tout à fait possible de pousser davantage le travail de transmission de savoirs et de développement de compétences. La motivation générée chez les adolescents, parce qu'ils rêvent tous d'un personnage héroïque, les incite à dévorer les livres de règles afin de donner plus de corps à l'aventurier qu'ils sont en train de créer et de faire vivre. Ceci peut se poursuivre au collège et au lycée.

Des collégiens.

Ceci permet aussi des interactions positives entre les participants/joueurs en favorisant les échanges comparatifs et en induisant la nécessité d'explications et de justifications sur des choix faits par chacun. De la sorte, l'oralité est aussi travaillée puisqu'il faudra réussir à expliquer, avec le plus de justesse possible, des sélections tout en argumentant le fait d'avoir opté pour telle ou telle sélection. Par ailleurs, ceci peut aussi amener à une discussion très nourrie soit sur la compréhension et l'application de règles, soit sur des intérêts plus personnels, permettant à l'adolescent de se construire et de s'affirmer face à ses pairs.

Vers la « fin » du collège ou le tout début du lycée...

Dans l'image ci-dessus, nous pouvons imaginer l'exercice de la description par le D.M. ou bien la construction/rédaction d'une aventure avec le travail de l'imaginaire que cela implique tout en gardant une cohérence dans l'histoire. Si l'on considère le suivi d'élèves ayant pratiqué cette activité depuis l'école primaire, il est fort à parier qu'ils auront acquis un panel de vocabulaire étendu ainsi qu'une aisance en lecture et expression orale (y compris en groupe) ; sans oublier les capacités d'écoute et d'attention qui auront aussi bénéficié d'un développement accru. Au lycée, certains enseignants utilisent le jeu de rôle pour mieux immerger leurs élèves, notamment dans le travail de la littérature en abordant Beowulf par exemple.

Travail sur Beowulf au lycée...

Nous avons aussi ce type d'exercice dans certains cours à l'université, toujours avec l'objectif de travailler l'oralité. Le Professeur Ian SLATER a même créé et développé sa propre entreprise (au nom évocateur, Black Dragon !) liée à des activités de développement axées autour du jeu de rôle (ici). Il propose des sessions réservées aux enfants, des séjours de vacances ludiques pour adolescents et adultes, des séminaires pour les entreprises etc. On constate que, désormais, le jeu de rôle est reconnu comme ayant des vertus pouvant aider au développement des individus ; nous nous sommes donc éloignés de la période sombre au cours de laquelle D&D était honni ! Il est même accepté, dorénavant, de vivre de ce hobby.

Une expérience limitée


   Pour ma part, étant enseignant dans le secondaire (en collège), j'ai pu expérimenter de manière empirique une observation de ce type sur une période de cinq ans, puisque j'ai pu poursuivre la campagne entamée avec les mêmes élèves durant leurs premières années de lycée (jusqu'en Première). L'idée avait été de proposer une activité durant la pause médiane ; certains collègues étaient volontaires pour des jeux de plateau ou autres, tandis que je m'étais engouffré sur le créneau du jeu de rôle. Afin que cela soit plus facilement accepté par ma hiérarchie, j'avais fait le choix de démarrer avec le jeu Mazes & Minotaurs (ici), jeu en anglais certes - c'était aussi un argument vis-à-vis des langues vivantes -, mais gratuit. Le thème, la Grèce antique, collait également au programme d'élèves de 6°, niveau avec lequel j'allais entamer cette activité ; ceci me permettait de pouvoir rattacher çà à une approche plus historique avec des créatures qui pouvaient être plus « passe-partout » puisque incluses dans la mythologie et l'imaginaire collectif. Durant les années qui suivirent, je basculais sur Dungeons & Dragons, profitant du thème médiéval... Victime de son succès lors de la présentation à mes deux classes de 6°, je fus obligé d'opérer une sélection par le biais d'une sorte de lettre de motivation. Et bien je peux affirmer que lorsqu'un jeune adolescent de 10/11 ans souhaite ardemment intégrer une activité, il est capable de prouesses que l'on ne soupçonne pas nécessairement ! J'ai eu droit à une carte au trésor ayant pour thème « l'aventure » ! C'était vraiment très chouette... Ce qui me renvoie immanquablement à certains constats évoqués dans les articles anglo-saxons, notamment à propos de l'inspiration que le jeu peut provoquer. Au cours de ces années de campagne avec mes élèves, j'ai pu voir opérer des développements de comportements spécifiques au jeu de rôle ; coopération, altruisme, réflexion commune face à un problème donné, sens du partage (par exemple pour optimiser les chances de survie du groupe), travail d'élocution, acquisition de vocabulaire, entre-aide selon les capacités de chacun (matheux, littéraire etc.). Il y avait, au sein de groupe, un joueur quelque peu timide qui a su s'épanouir et finalement s'affirmer. Ainsi que j'ai pu le dire, tout ceci résulte d'un constat à postériori ; je n'avais absolument pas réfléchi à l'idée d'expérimenter et d'analyser les effets de cette expérience ludique. Mais aujourd'hui, je suis intimement convaincu que cette activité peut beaucoup apporter pour le développement des enfants, adolescents et adultes. Les possibilités sont vraiment très grandes et il m'a semblé toucher du doigt quelque chose de puissant. Au gré de mes lectures sur ce sujet - et cela déjà depuis pas mal de temps -, je suis de plus en plus convaincu du bienfait du jeu dans la construction de l'individu, et pas seulement le jeu de rôle. Aujourd'hui, j'en suis à réfléchir à l'ouverture d'un club au sein de mon établissement ; mais la crise sanitaire actuelle freine considérablement le processus de mise en place. Quoi qu'il en soit, je suis acquis à cette idée de pouvoir aider les adolescents à se construire et s'affirmer par le jeu et j'attends avec impatience une amélioration notable de la conjoncture pandémique dans laquelle nous nous trouvons pour tâcher de donner vie à ce dessein.

   Voilà. J'en ai fini avec ce billet un peu long sur un sujet passionnant. Au bout de cette réflexion/observation, je suis étonné de la tournure qu'a pu prendre la perception du jeu de rôle dans nos sociétés ; passer d'une suspicion satanique à un véritable outil pédagogique, il faut bien reconnaître que c'est assez fort... !


Pour l'heure... A l'aventure Compagnons et soyez sur vos gardes !


dimanche 25 avril 2021

Encounter

 Lorsque l'on évoque des rencontres,...

...certaines peuvent être plus belles que d'autres !


   Nous allons faire un nouveau petit bond dans le temps. Revenons une dizaine d'années en arrière, en 2010 plus précisément. Un nouveau fanzine arrive sur la toile ; en effet, il n'est disponible qu'en téléchargement. De mémoire, il me semble qu'il s'agissait d'une production néo-zélandaise, bien que l'adresse électronique fournie tende vers l'Australie ; mais peu importe. Son nom n'est autre que Encounter ; et il affiche clairement ce dont il va traiter : « A fanzine dedicated to the Classic D&D Game ! »

Une rencontre éphémère

   Bien qu'offrant une qualité indéniable (texte, rubriques, mise en page, illustrations etc.), ce fanzine n'aura eu qu'une brève vie puisque seuls quatre numéros seront publiés. Le premier sort en mars 2010, tandis que le dernier verra le jour en mars 2011. On ne peut que regretter cela, mais étant donné son sujet de prédilection, la niche de l'O.S.R. n'en était qu'à ses balbutiements et n'a probablement pas su offrir suffisamment de lecteurs. Et puis, bien entendu - et là, tous les rédacteurs seront d'accord -, la gestion d'une telle entreprise reste difficilement compatible avec le quotidien ; ce qui peut aussi expliquer cette courte longévité. Quoi qu'il en soit, ce fanzine aura donc été une comète dans le ciel du Jeu de Rôle, bien que sa régularité sur cette brève apparition ait été très professionnelle. Mais grâce à la technologie, il vous est possible de télécharger et lire à tête reposée ces numéros ; faites le détour, cela en vaut la peine (ici).

Une très belle couverture qui donne le ton !

Que trouve-t-on dans le #1 ?

   Le sommaire de ce premier numéro correspond aux critères nostalgiques des débuts de la vague O.S.R. En effet, on y trouve tout d'abord un court article qui se situerait entre le récit d'un souvenir de l'auteur et une rapide présentation d'un module emblématique du début des années '80, à savoir le X1 The Isle of Dread. Puis, un descriptif de ce qui vient d'être publié (attention, nous sommes en 2010 et « vient » est une figure à géométrie variable... !) : Advanced Edition Companion pour Labyrinth  Lord, la White Box pour Swords & Wizardry, les « derniers » numéros en date du fanzine OD&DITIES etc. L'ensemble couvre aussi des rétro-clones comme Lamentations of the Flame Princess ou Basic Fantasy Role-Playing Game. Puis, nous avons une aide de jeu pour donner un peu d'épaisseur aux P.N.J. par l'utilisation d'une table aléatoire (incontinence, arrogance, unijambiste etc.), un article de fond sur l'ordalie médiévale étayé par une belle bibliographie, quelques nouvelles créatures pour peupler vos mondes et autres recoins obscurs, une House Rule ayant pour sujet la tentation et les péchés (faut-il y voir un lien avec la présentation de l'île du X1... ?) et, pour conclure, quelques extraits de réflexions en provenance de la blogosphère O.S.R. Le texte abordant la question de l'impénitence et de l'attirance est très intéressant, mais aurait mérité - à mon sens - un développement plus approfondi. Comme toute règle maison, celle-ci appelle éventuellement à un travail d'enrichissement de la part des D.M. et des joueurs. Cela étant dit, c'est aussi le but des fanzines que celui d'offrir des pistes d'exploration.

Et... le module !

   Mais ce contenu, déjà très diversifié, ne saurait être complet et remplir le cahier des charges O.S.R. sans un module ! Ce dernier est défini pour un groupe de taille « standard » (comprenez 3 à 6 joueurs) de niveau 1 à 3. Souvenez-vous, nous sommes en 2010, les zombies se mettent à peupler largement nos écrans de télévision, et cette aventure comprend donc son lot de Morts-Vivants, comme il se doit. L'histoire - sans trop dévoiler la trame - implique un riche marchand collectionneur qui commet un impair et se trouve « maudit ». Les personnages doivent essayer d'éclaircir le mystère qui entache la demeure du négociant (un manoir). On trouve un savant dosage entre des pièges, des devinettes, de la magie et des créatures. Il n'y a que le final (l'épilogue devrais-je dire) qui me laisse perplexe. Compte tenu des faibles niveaux des aventuriers, je ne vois pas comment réaliser une belle fin, sauf à inclure cette aventure dans le cadre plus large d'une campagne ; là, il y a une chouette possibilité pour le groupe de personnages. Mais cela aurait peut-être demandé à être explicité dans l'introduction du module. Pour ma part, cela ne m'a pas dérangé outre mesure car j'ai glissé cette histoire dans le monde de la campagne que je mène. Néanmoins, cela reste une belle aventure qui peut tenir en haleine des joueurs débutants (pas uniquement les personnages) car il y a de multiples options et un bon compromis s'agissant du butin possible. C'est véritablement un module typique des années '80 comme on pouvait en trouver dans les fanzines/magazines de l'époque (je pense notamment à Casus Belli).

Une chouette rencontre donc...

   Voilà, j'en ai fini avec cette présentation. Je vous encourage à récupérer ce document ; vous pourrez même en faire une impression professionnelle sur des sites dédiés si vous aimez l'odeur du papier ! Il est vraiment dommage que cette publication n'ait pas pu perdurer car il y avait vraiment un potentiel. Allez, soyez curieux !


Pour l'heure... à l'aventure Compagnons !

vendredi 23 avril 2021

Le guide du collectionneur

De l'esprit de synthèse...

   C'est en faisant une petite visite à la Forge de papier (ici) que j'ai découvert la publication récente du Guide du collectionneur. Si vous êtes amateur de Dungeons & Dragons version oldschool, vous devez très certainement connaître ; et si ce n'est pas le cas, alors je vous encourage vivement à y traîner vos guêtres, vous ne serez pas déçus ! Le maître des lieux, un Nain réputé, est d'ailleurs un des éléments les plus actifs d'un site dédié à notre jeu préféré ainsi qu'à sa version plus élaborée, je veux parler d'AD&D. Si le coeur vous en dit, faites un petit détour pour découvrir ce que recèle cet endroit... (ici).

Tadaaa... !

Le Maître forgeron est un habile artisan qui répare, refond et réaffûte les vieilles reliques de ce vénérable jeu (entre autres, car il a plusieurs cordes à son arc !). Il offre des versions dépoussiérées, corrigées de nos incunables. Et c'est lors d'une de mes visites que j'ai alors appris la sortie toute récente d'un Guide du collectionneur, que je m'empresse de vous présenter.

Les bases...

   Tout d'abord, il est précisé que cette publication résulte d'un travail de fond qui a été effectué en 2014 et suivi jusqu'en 2016. Il ne s'agit donc pas d'un galop d'essai. Par ailleurs, l'objet d'étude est recentré sur Dungeons & Dragons uniquement ; un autre guide, axé sur la version développée ultérieurement (AD&D) sera publié prochainement. Enfin, il ne traite que des éditions et publications réalisées en français ; ce guide n'a donc pas pour vocation d'embrasser l'ensemble de la gamme, mais reste focalisé sur les produits propres à l'Hexagone. Il est à noter qu'un petit préambule permet de clarifier le vocabulaire usité, notamment la différence entre révision et impression ; c'est important pour tout collectionneur qui se respecte, tout comme pour les joueurs, car il s'agit bien de savoir de quoi nous parlons (les révisions entraînant parfois des changements importants, donnant naissance alors à des jeux différents).

La French Touch

   Il est un fait indéniable à cette publication, c'est le sérieux qui a été porté à l'examen et à la recherche de tout ce qui touche spécifiquement aux publications francophones de Dungeons & Dragons. Le premier article, « En quête de Donjons & Dragons », est excellent de par son côté historique du sujet et par la précision des remarques et annotations (années de publications, fautes d'orthographe, traductions licites ou illicites etc.). Les photographies des encarts parus dans Jeux & Stratégie ou bien Casus Belli renvoient immédiatement - pour ceux qui ont vécu ces moments-là - à notre adolescence, lorsque le jeu commençait à être populaire dans les cours des collèges, lycées et autres facultés. Le travail d'enquête qui a été mené est louable et appréciable ; l'anecdote évoquant THE AVALON HILL GAME COMPANY est admirable. L'utilisation des outils actuels permet un parallèle évident avec l'archéologie et ses méthodes connexes pour élucider certaines zones d'ombre. Les mystères entourant les années d'édition des différents modules montre clairement la nébuleuse dans laquelle évoluait T.S.R. à cette époque, alors en plein essor ; nous avons l'impression que des mains invisibles oeuvraient dans leur coin, sans que le grand patron en soit nécessairement au courant... Il y avait une sorte de frénésie et d'emportement qui provoquaient une forme d'accélération de cette machine typiquement états-unienne et il s'en dégage une sensation de perte de contrôle. Le livre « comète » de Mathilde MARANINCHI, publié en 1982 aux éditions SOLAR est aussi invité dans la danse. Je me souviens que cet opus avait véritablement dû faire une très brève apparition sur les rayons des librairies et autres boutiques spécialisées car je n'avais pas réussi à mettre la main sur un exemplaire... Ainsi que le stipulent les auteurs du guide, aujourd'hui il se vend chèrement.

Les deux versions existantes : à gauche celle papier, à droite la numérique.

   L'organisation du Guide du collectionneur est astucieuse : bordure rouge pour ce qui concerne les règles de Basic et bleue pour ce qui touche au niveau Expert. Le travail d'érudition permettant d'identifier clairement l'édition que chacun peut posséder d'un livret ou bien d'un module est époustouflant. Tout a été examiné à la loupe, y compris les éléments d'impression qui se trouve malencontreusement sur la tranche d'une boîte (cf. première impression de la boîte Expert, page 33 du guide). Jusqu'au grammage du papier utilisé par les imprimeurs britanniques ou français ! Bien entendu, les règles sont abordées, mais aussi les modules accompagnant chacun des deux niveaux (Basic/Expert). On apprend, aussi, que la version française de la boîte « magenta » est probablement une version hybride mêlant le texte originel auquel aurait été adjoint des bribes de la version suivante (celle de Frank MENTZER), laquelle était en phase de développement/rédaction aux U.S.A. au même moment. Grâce aux tableaux comparatifs et aux nombreuses illustrations, ce guide est un véritable outil de recherche pour les collectionneurs avertis et je ne doute pas qu'il sera d'une aide précieuse pour tout joueur qui souhaiterait en savoir plus sur son propre trésor !

Sur l'absence

   Nonobstant ce labeur impressionnant, je reste un peu sur ma faim. En effet, l'interview présente dans l'ouvrage fait figure d'O.V.N.I. Non pas que cela ne soit pas intéressant, mais il aurait été bienvenu d'étoffer cet aspect du guide par d'autres entretiens. Alors je sais combien cela peut être difficile et long, mais il me semble que cela aurait été l'occasion de documenter l'Histoire du jeu dans sa version francophone car le temps passe et les gens finissent par disparaître... Par ailleurs, cela aurait peut-être éclairé davantage les supputations faites et nous aurions probablement pu obtenir des éléments nous rapprochant encore davantage d'une certaine vérité. Je suis conscient que je chipote et je sais aussi quelle minutie a pu apporter l'équipe de rédaction de cet opus ; mais voilà, mon réflexe d'historien revient et je me pose des questions.

   Mais que cela ne vous arrête pas, faites l'effort de lire ce Guide du collectionneur et mieux encore, la Forge de papier vous donne aussi un accès pour une version matérialisée (j'avoue que je n'ai pas eu à réfléchir quant à lâcher quelques pièces d'or pour un exemplaire qui trônera dans ma bibliothèque !) que vous pourrez consulter partout et à tout instant ! Et gardez à l'esprit qu'il va y avoir un volume 2 dont le propos sera AD&D.

Lux et veritas... !

   En attendant... En route pour l'aventure Compagnons !

samedi 17 avril 2021

Octhorrorfest !

Festivités horrifiques et fanzines...

   L'intérêt de la plateforme participative Kickstarter est, à mon sens, la possibilité de pouvoir découvrir et soutenir des auteurs et des éditeurs qui n'ont pas nécessairement les moyens de pouvoir se placer ostensiblement sur le marché du jeu de rôle. Ne nous méprenons pas, promouvoir ces créateurs reste un défi ; il peut arriver que l'on mise sur le mauvais cheval, mais il est aussi tout à fait possible de dénicher quelques perles !

Zine Quest

   Depuis trois ans, la plateforme sus citée a lancé un projet annuel qui se veut être un tremplin pour dynamiser le jeu de rôle sur table par le biais de la publication de fanzines ayant rapport avec notre hobby (ici). L'avantage de cette formule est, avant tout, le prix extrêmement abordable de chaque proposition. Pour quelques euros, vous pouvez recevoir une version numérique de la revue et si vous êtes satisfaits, il vous reste la possibilité de publier en version papier votre exemplaire. Les fanzines se veulent les organes de communication de prédilection des auteurs qui souhaitent offrir leurs règles maison (les fameuses House Rules) pour un investissement avantageux, contrairement aux ouvrages « professionnels » forts coûteux et que l'on utilise rarement dans leur totalité. Par ailleurs, l'aspect bon marché de ces fanzines n'empêche nullement une qualité très appréciée, que ce soit au niveau du contenu, de la mise en page, des illustrations et des textes. De plus, chaque publication comprend souvent entre 35 et 50 pages. Bref. Vous l'aurez compris, cette formule est à la fois intéressante - par les découvertes qu'elle permet - et avantageuse.

Appendix N

   Parmi les éditeurs qui s'inscrivent dans le projet annuel Zine Quest, il en est un qui affiche clairement ses influences et son orientation : je veux parler de l'éditeur Appendix N Entertainment. Avec un nom pareil, nous savons immédiatement vers quoi l'on tend et quel peut être le contenu que l'on va nous servir. Appendix N Entertainment a déjà publié quelques éléments comme des modules ou bien des classes de personnages (ici), que je vous recommande chaudement.

   Dans le cadre de la deuxième saison de Zine Quest, durant l'hiver dernier (début 2020), l'éditeur a donc lancé un véritable fanzine dépassant le cadre d'une aventure ou bien de quelques ajouts destinés aux personnages. Octhorrorfest ! offre un choix de règles orientées autour d'Halloween et d'une ambiance horrifique. On nous propose d'abord un petit aperçu historique ainsi que l'impact possible au sein d'une campagne. C'est un aspect non négligeable qui permet d'ouvrir nos connaissances sur la culture celtique et anglo-saxonne (notamment). Vient ensuite quelques classes de personnages avec, entre autres et comme il se doit pour ce genre de thème, la Sorcière et le Chasseur de Sorcières. Tout ceci est complété par des nouveaux sortilèges.

La couverture de l'objet...

Mais le plus intéressant, à mon goût, se trouve être l'apport des règles touchant à la magie rituelle. En effet, il s'agit de présenter là des rituels qui permettent soit d'augmenter l'efficacité de sortilèges déjà existant ou bien d'avoir accès à de la magie ritualisée et plus puissante que celle utilisée traditionnellement (j'entends dans nos jeux, il va de soi). Ceci apporte une touche de Swords & Sorcery autour de nos tables, nous renvoyant aux récits de Conan dans lesquels les sorciers et autres magiciens pratiquent une magie longue et laborieuse. Pour faire simple, plus il faut de temps pour réaliser le rituel et plus vous y ajoutez de conditions favorables (site propice et/ou date précise), plus votre effet sera important. Il vous est possible de différer un sortilège, d'assurer le potentiel d'un autre ou bien de toucher une cible au-delà de n'importe quelle distance ! Bien entendu, j'imagine déjà vos mines déconfites en annonçant que c'est abusé et que l'équilibre du jeu s'en trouve bousculé. Il y a quand même des limites aux résultats (par exemple, s'agissant de l'influence sur la distance, il n'est pas possible de lancer un sort provoquant directement des dégâts sur la cible - donc pas de Magic Missile ni de Fireball ! - et il est nécessaire, parmi les composants, d'avoir un élément (cheveu ou ongle) appartenant à votre objectif). Par ailleurs, la responsabilité quant au maintien de l'harmonie du jeu incombe au D.M. Ce sera à lui de dispenser à dose homéopathique les ouvrages donnant les indications pour réaliser tel ou tel rituel. Le temps étant une composante majeure de la magie ritualisée, il n'est pas envisageable d'avoir recours à cette forme d'enchantement dans l'instantané ; il faut donc planifier et anticiper. Mais cela reste, à mon sens, un constituant intéressant autour d'une table. Et puis les membres de vos groupes de personnages éviteront les séances de soins esthétiques dans leur chambrée, craignant d'y laisser une particule utilisable par un sorcier retors... Ce qui est aussi notable, c'est que ces rituels ne sont pas uniquement réservés aux jeteurs de sorts quels qu'ils soient ; un Guerrier ou un Voleur peut aussi participer. En terme de magie, je trouve que cela apporte grandement au champ des possibles.

   Ensuite, il est proposé des règles pour guérir le vampirisme, toujours avec certaines limites pour ne pas déséquilibrer le système et à condition de traiter l'infection à temps. Un article sur la possession par les Démons, Diables et certaines autres créatures ou entités est aussi inclus dans ce volume. Il est indiqué les effets de cette possession ainsi que ce qu'il faut faire pour pratiquer un exorcisme. Encore une fois - au risque de me répéter -, cela me semble extrêmement intéressant pour agrémenter quelques sessions de jeu ou étoffer une campagne. Enfin, sur le thème appartenant clairement à Howard P. LOVECRAFT, une proposition de règles concernant le signe des Anciens est donnée. Cela fonctionne comme la capacité à repousser les Morts-Vivants des Clercs et n'est efficace qu'à l'encontre des créatures issues du mythe de Cthulhu, bien évidemment.

   Pour conclure l'opus, il est offert, de manière très classique, de nouvelles créatures pour peupler vos aventures et - forcément - un appendice N comprenant des sources d'inspiration littéraires, cinématographiques et musicales !

   Voilà. J'en ai fini avec ce petit tour de piste et la présentation de ce fanzine. N'hésitez pas à vous procurer ce bijou, ne serait-ce qu'en version numérique ; rendez-leur visite (ici) !


Pour l'heure... A l'aventure Compagnons et méfiez-vous des Magiciens !